top of page

IMAGE OU COMPRÉHENSION ?

La formidable ténacité des faiseurs d'opinion

La persistance avec laquelle la diaspora africaine affiche (du moins en Autriche) l'image de son continent est remarquable. En effet, depuis au moins vingt ans, cet effort domine presque tous les discours qui lui sont consacrés. Leurs représentants (auto-proclamés?) tentent obstinément de corriger l’image prétendument négative de l’Afrique auprès du public autrichien et de lui apprendre que, pour comprendre les problèmes du continent, il est impératif qu’elle les regarde à travers des lunettes africaines. Or, ces tentatives ne semblent pas avoir atteint l’objectif souhaité. Pourquoi?

A occasion de la table ronde « Who speaks for Whom ? Image of Africa in the (Austrian) Diaspora » (Qui parle pour qui? Image de l'Afrique dans la diaspora autrichienne) tenue le 28.05.2019 au Künstlerhaus de Vienne.

La réponse ne paraît toujours pas être trouvée. Est-ce peut-être aussi parce que les faiseurs d’opinion de la diaspora africaine ne semblent pas être désireux de le faire ? En effet, on aurait l’impression qu’ils préfèrent les traiter de manière simplifiée mais chargé d’émotions et toujours efficace sur le plan politique, que de rechercher minutieusement les causes des problèmes brûlants de leur continent, de les analyser de manière critique et d’interpréter scientifiquement leur complexité. L’accent est mis presque exclusivement sur la dénonciation des préjugés essentiellement racistes portant atteinte à l’image de l’Afrique en Autriche. Même les principaux médias sont accusés de réduire leur couverture qu’aux crises, aux guerres, aux catastrophes naturelles et aux épidémies. Certes, on ne peut nier le caractère unilatéral et superficiel dont les problèmes de l’Afrique sont traités dans les grands médias. Mais, d’autre part, les crises, les guerres et les catastrophes naturelles continuent de façonner l’évolution de la situation en Afrique. C’est une tragédie sociale et humaine avec laquelle l’opinion publique mondiale doit se confronter afin de pouvoir faire pression sur les responsables d’y mettre terme au plus vite. Certes, l’image de l’Afrique serait affectée, mais ceci contribuerait au moins d’ébranler davantage la conscience de l’humanité. Par contre, en balayant ce problème sous le tapis et rédigeant des rapports "positifs" le mal ne sera pas guéri. Bien au contraire, cela ne fera que contribuer à la consolidation du système économique et politique actuel tout autre qu’humain. C’est procéder de la même manière qu'à l'époque où les intellectuels de gauche de tous les pays étaient engagés pour consolider le prestige du règne stalinien de la terreur: en divulguant des images "positives" du peuple et en passant sous silence la famine en Ukraine (Holodomor), les camps de concentration ou la déportation de des groupes ethniques entiers (Tchétchènes, Tatars de Crimée). La diaspora africaine en Autriche aurait donc tout intérêt à y réfléchir pour ne pas être tentée de remplacer les graves problèmes de son continent par des banalités telles que des "histoires à succès" douteuses ou des informations sur le mode de vie des stars. L'image de l'Afrique qui en résultera ne pourrait être que le contraire du souhaité. Il risque d’aboutir au fameux cliché de l’époque coloniale : de celui de sauvages dansants incapables de résoudre les problèmes de leur continent. Mais qui promeut de tels stéréotypes sinon les élites néocoloniales néolibérales et les forces politiques pseudo-gauches dans leur suite ...

Les tireurs de ficelles

Cependant, il faut penser à autre chose et savoir si les rapports sur le sort tragique et les souffrances de la majorité de la population africaine sont vraiment motivés par des considérations racistes. En effet, l'Afrique est souvent décrite comme un tas de gravats dont les habitants laissent l’impression de n’être que des personnages lamentables incapables de mettre un terme guerres et aux crises dans leurs pays respectifs, et ne pouvant survivre que grâce à l’engagement des organisations non-gouvernementales ou caritatives. Du fait de leur concentration sur ces problèmes, ces reportages pourraient même être interprétés comme une intention délibérée dont le but serait de dégrader les Africains pour des motifs racistes. Or, en regardant de près, on finira par constater que les facteurs idéologiques (racistes) n’y jouent pratiquement aucun rôle. Les activistes humanitaires sur place sont pour la plupart des jeunes qui, à l'instar des missionnaires chrétiens, agissent volontairement et par pur idéalisme. Quant aux bailleurs de fonds des principales ONG internationales et fondations, leurs motivations sont différentes. Il ne s’agit que d’un calcul lié à la domination, à l'enrichissement, au blanchiment d'argent, à l'accaparement de terres et à l'accès aux ressources naturelles. Comme ces intentions ne peuvent être justifiées par des arguments moraux, elles sont, comme à l'époque coloniale, dissimulées sous la couverture de toutes sortes d'initiatives charitables. Ainsi, ces hommes et ces femmes, principalement des Blancs, se retrouvent une fois de plus dans un rôle qui les fait paraître supérieurs sur le plan racial. Par conséquent, on voit réapparaître à nouveau des situations similaires aux celles de l’époque coloniale. Cette impression se dégage d’autant plus fort que les médias corporatifs évitent de mettre sous la loupe les dessous de l’aide humanitaire à l’Afrique. Bien sûr, ils ne peuvent pas se permettre de défier ni leurs sponsors parfois très riches, qui peuvent avoir des intérêts particuliers en Afrique, ni le système qu’ils incarnent car, comme le dit un proverbe, on ne mord pas la main de celui qui nourrit. La diaspora suit plus ou moins sagement cette consigne. Ainsi, au lieu de se concentrer sur la complexité des causes internes et externes de la misère africaine afin de pouvoir la combattre avec efficacité, elle se consacre, avec le soutien de forces pseudo-gauchistes, à embellir l'image de l’Afrique!

L’image de l’Afrique une fois de plus à l’ordre du jour. Au podium : des spécialistes dans l’activisme sociétaire antiraciste, mais pas des chercheurs professionnels dans le domaine de la science de l’information. De gauche à droite : Simon Inou (fondateur du site internet « M-Media »), Vanessa Spanbauer (journaliste du magazine « Fresh Black Austrian Lifestyle), Yann W. Tanoé (activiste et éducateur), Denise Van De Cruze (chef de projet, entrepreneuse), Christa Markom (Anthropologue à l’Université de Vienne) et Adia Trischler (modérateur de « Vienna Now »)

Il ne fait aucun doute que les associations de la diaspora africaine manquent d'experts possédant une intégrité professionnelle et éthique qui seraient capables de traiter les divers problèmes de l'Afrique de manière objective et impartiale. Par contre, ceux qui ont des ambitions politiques et qui défendent des arguments démagogiques ne font pas défaut. Eux aussi combattent l'image "négative" de l'Afrique avec beaucoup de zèle et insistent de la remplacer par des images dites "positives". Mais ces « images » auront du mal à contribuer à la compréhension des problèmes de l'Afrique car elles ne correspondent pas à la vérité, mais uniquement à une certaine notion de vérité, qui est celle d’un groupe d'activistes politiques qui - pour une raison quelconque – s’acharne de l’imposer à l’opinion publique.

Sous le signe de la collaboration

Malheureusement, avec des "images" de communautés particulières, de pays ou même de continents, on ne mène pas une activité informative mais de propagande explicite. Elle ne sert pas à une meilleure compréhension des problèmes de certains pays et de leurs habitants, mais à un lavage de cerveau vulgaire dans le plein sens du mot. Si cette présentation unilatérale est encore soutenue par la Loi, si certaines autorités prescrivent ce qu’on peut écrire ou non, et comment certains problèmes doivent être interprétés, c’est l'abolition de la liberté de la pensée qui s’ensuit. Par conséquent, le chemin vers les poursuites judiciaires de tous ceux qui osent penser différemment, remettre en question les affirmations octroyés ou exprimer des attitudes critiques est frayé. C’est porter atteinte à un droit humain élémentaire qui repose sur la liberté de la parole et de la pensée. Pire, ceci revient à la destruction intentionnelle du pilier fondamental de la démocratie. De là à la mise au pas intellectuelle il n’y aura qu’un pas. La victoire d’un nouveau totalitarisme dans le sens orwellien du terme pourrait ainsi être assurée.

Or, les dirigeants des associations africaines en Autriche ne semblent pas en être conscients. Certains d’entre eux n’hésitent pas de lancer des insultes à l’adresse de leurs détracteurs en les menaçant aussi de poursuites judiciaires pour « diffamation ». Apparemment il ne leur est pas encore clair à quel point leur démarche est contre-productive. On aurait même l’impression qu’ils ne veulent ou, plutôt, n’osent pas se rendre compte à quel point ils attirent l’hostilité de l’opinion publique envers les Africains vivant en Autriche en raison de ce comportement. Ils prévoient que celle-ci n’est pas prête à accepter que des cercles sociaux minoritaires d’origine étrangère de surcroît lui imposent des contraintes au droit de s’exprimer librement. Leur obstination ne contribue qu’à l’approfondissement ultérieur des fossés déjà existants entre eux et la majorité de la population qu’ils souhaitent pourtant combler. Ainsi la diaspora africaine en Autriche n’arrive pas à être acceptée comme partie intégrale de la société du pays mais continue à être considérée comme un corps étranger qui tente de lui imposer ses opinions. Cette intention a atteint son paroxysme dans la recommandation issue d’une des activistes de la diaspora de regarder l’Afrique à travers les « lunettes africaines ». Ceci veut dire qu’il ne faut porter des jugements sur le continent qu’à la base de ce que ces « lunettes » permettent de voir. Au fait, ce ne sont que des « images ». Certes, pas n’importe quelles, mais celles qui sont en accord avec les intérêts de certains cercles politiques en premier lieu. En agissant ainsi, on ne s’adresse plus à la raison pour comprendre les problèmes de l’Afrique mais aux émotions. La réflexion est ainsi remplacée par la « sensibilisation », la complexité par la simplification réduite aux notions du « bien » et du « mal ». Or, où les présentations manichéennes emportent, là on a affaire à la propagande. Ainsi on ouvre grandement les portes à la pensée unique et, par ce biais, au totalitarisme.

Malheureusement, on a la tendance d’oublier que les interprétations manichéennes n’encouragent pas le rapprochement entre les communautés humaines, mais des ruptures entre et au sein d’elles. La conséquence est l’affaiblissement de la communication intercommunautaire et l’enfermement dans son propre groupe social. Par conséquent, l’esprit individuel libre est mis à l’écart. Ne subsiste que le clivage entre « nous » (les bons) et « eux » (les mauvais). Afin de renforcer le sentiment d’appartenance à sa collectivité identitaire, les mythes historiques et politiques regagnent en importance. Or, c’est une action bien délicate. Le danger est de confondre le passé et le présent est… présent. En l’appliquant, des peuples entiers risquent d’être considérés comme coupables pour les pêchés de leurs ancêtres commis même dans des siècles précédents. Ceci d’autant plus si le passé n’est pas considéré comme source de connaissances, mais comme vecteur d’identification collective. En effet, si l’origine, la civilisation, la religion ou la couleur de peau servent de base à ce verdict, alors les antagonismes ont tout le loisir de s’épanouir. Au plus grand plaisir de ceux qui, au nom d’une « société ouverte » travaillent en faveur de son morcellement en de petites structures fermées, pour mieux les dominer.

Dans le zoo des « events »

Mais c’est ce qu’on préfère ignorer. Pourtant, il s’agit bel est bien de la conception politique classique qui repose sur le principe de diviser pour régner. Naturellement, les promoteurs de cette stratégie savent très bien cacher leur jeu en promulguant à haute voix l’idée de l’intégration. À cet effet, ils n’hésitent pas à soutenir avec bienveillance toute association ou individu qui s’engagent directement pour cette cause. Mais de quelle façon? En appuyant, bien sûr, des activités liées à la promotion du développement des sociétés, des peuples, des cultures et des États, voire même des continents, tels l’Afrique. Mais à une condition : qu’elles restent dans le cadre du politiquement correct. Ceci veut dire éviter de soulever des sujets délicats et de leur remise en question en s’appuyant sur des faits pouvant aboutir à des controverses. Il est plus préférable de donner des subventions pour organiser des manifestations avec des concerts, des défilés de mode ou de costumes traditionnels, sans oublier la cuisine nationale des pays d’origine. Peu importe la qualité de ces spectacles. Ce qui compte c’est qu’elles dégagent une impression (« image ») positive du continent et de ses habitants. Les voilà gais et sympas, chantants, dansants dans leur ambiance sociale naturelle présentée, certes, plus dans un zoo, comme à l’époque coloniale, mais dans le cadre d’un festival, par exemple celui de la ville de Vienne, qui leur est consacré. Mais cette « image » n’est-elle pas simplifiée ? En s’y confrontant avec elle, on aura mal à ne pas y constater certains aspects pouvant rappeler à la représentation coloniale des Africains comme étant des sauvages joyeux. On en trouve un endroit précis, on érige un « village africain » (ce qui n’est pas le cas avec d’autres diasporas) et on s’y rend pour se mettre en contact avec une autre civilisation, au fait pour sentir une bouffée d’exotisme. Toute similitude avec un atavisme colonial est certainement fortuite. Mais, curieusement, les représentants de la diaspora africaine, qui réagissent avec irritation extrême contre le moindre dérapage pouvant être interprété à juste titre ou non comme raciste n’en ont, jusqu’à présent, émis aucune objection.

Une bouffée d’exotisme africain : scène du festival annuel « Les journées de l’Afrique » au Donauinsel, Vienne.

Il en est autrement avec l’image des Européens (blancs) par rapport à l’Afrique. Celle-ci est toujours négative. Non seulement que ceux-ci sont identifiés avec la traite esclavagiste et l’exploitation coloniale, mais on n’hésite pas à rendre coupables pour ces méfaits du passé les générations actuelles qui n’ont même pas été nées quand elles se sont produites. En persistant d’appliquer la responsabilité collective pour les pêchés des ancêtres, c’est un principe typique pour les systèmes totalitaires de toute sorte que l’on réhabilite. Son application, suivie d’exigences à faire l’amende honorable continuelle, n’est pas seulement déraisonnable et inhumaine, mais aussi dangereuse. Elle entretient la haine entre les groupes humains à la base de l’appartenance identitaire. Donc, elle est, en fin de compte, même raciste. En plus, elle est, du point de vue historique, injuste. En effet, seuls quelques pays européens ont participé à la traite transatlantique esclavagiste et à la colonisation. La plupart d’autres, surtout les peuples d’Europe centrale et du Sud-Est ont été asservis et de fait colonisés. Or, faute de connaissance plus précise de l’Histoire, on tombe facilement dans le piège des mythes et on finit par brosser des « images » incomplètes et déformées de l’autrui – à l’instigation, bien sûr, des cercles politiques bien précis.

Il serait, toutefois, faux d’affirmer que le racisme en Autriche (et en Europe) est éradiqué. Malheureusement, il existe toujours et les membres de la diaspora africaine continue à lui être exposés. Mais, il est loin d’être présent parmi la majorité de la population du pays. On le retrouve presque exclusivement chez des éléments non-éduqués, froissés, souvent socialement marginalisés qui se laissent facilement manipuler par la xénophobie des partis de l’extrême-droite. Or, la tendance de rejeter les sentiments racistes sur l’ensemble des populations européennes est ressentie non seulement comme fausse, mais aussi comme injuste. Ceci ne reste pas sans conséquences. Elles peuvent se manifester par le désintérêt pour les activités de la diaspora africaine et par la répulsion envers ses membres. Ceci revient à un isolement de fait de cette communauté. Les autres associations minoritaires semblent être dans une situation similaire.

La communication négligée

La communication intelectuelle négligée: livres d'auteurs africains exposées à l'occasion du colloque 'Who speaks for whom', Vienne, 28 mai 2019

Qu’elle en est la raison? Il paraît que la communication intellectuelle entre la diaspora et le reste de la population avait été négligée. En effet, les activités de la diaspora africaine et autres sont dirigées par le souci de leur affirmation en tant que communauté. Elles sont concentrées sur en premier lieu sur le sort des immigrés et des demandeurs d’asile et des chicanes que leur infligent les autorités. Mais, d’autre part, elles aspirent à être reconnues comme facteur politique à pied égal avec ceux du pays. Enfin, la diaspora africaine tout particulièrement, s’efforce à imposer ses propres conceptions sur la façon de parler, d’écrire ou de penser sur l’Afrique et ses habitants. Or, ce faisant, elle n’hésite pas, au nom du politiquement correct, à recourir au menaces de poursuites judiciaires contre tous ceux qui ne partagent pas ces points de vue. Certains de ses dirigeants agissent comme de véritables inquisiteurs à l’affût de toute intention raciste vraie ou supposée la clouant au pilori sans ménagement. Leur zèle ne les rend pas attrayants pour la majorité de l’opinion publique. Bien au contraire elle les considère plutôt comme des prêcheurs de la haine, voire même des racistes à rebours que comme des promoteurs de dialogue entre les cultures et civilisations. Ceci devrait amener les dirigeants de la diaspora africaine à reconsidérer leur façon d’agir, à moins qu’elle ne leur soit pas propre, mais inspirée de l’extérieur.

En effet, en prenant en considération leur langage, leur façon d’écrire, leurs objectifs ou leur engagement en faveur des minorités soit par des « quotas », soit par la « discrimination positive », on ne peut ne pas constater qu’elles sont calquées sur les conceptions des mouvements de la gauche aussi bien autrichienne qu’européenne. On aurait beau n’y voir qu’un hasard. Or, quand on trouve dans les instances de l’organisation VIDC aui chapaute les associations de la diaspora africaine en Autriche des hauts fonctionnaires du Parti social-démocrate autrichien (SPÖ), quand le directeur de Radio Afrika TV de Vienne fête les anniversaires de sa fondation dans les locaux appartenant au même parti, quand l’ancienne conseillère pour l’intégration de la ville de Vienne et fonctionnaire de la SPÖ, lors d’une célébration de son parti, lui remercie « pour tout ce que vous avez fait pour nous », alors il faut bien se poser la question si la diaspora africaine ne se trouve pas dans l’orbite d’un parti politique bien précis.

Invitation de l’ « African Community » de Vienne à la célébration de l’inauguration du président des USA Barack Obama à l’American House de Vienne, le 20 janvier 2009. À noter la remarque de l’affiche que cette manifestation de la diaspora africaine de Vienne était soutenue par l’Ambassade des USA en Autriche

Mais il est encore plus curieux que l’ « African community » en Autriche avait suivi la retransmission télévisée de l’inauguration du premier président afro-américain des États-Unis, Barack Obama dans les locaux de… l’American House à Vienne et en présence des diplomates américains! Étant donné que l’ambassade des États-Unis à Vienne avait peu avant la cérémonie d’inauguration d’Obama cherché à établir des contacts avec la diaspora africaine du pays (Radio Afrika TV incluse), il est difficile de croire que cette initiative était due à la communauté africaine locale.

Lune de miel entre la diaspora africaine et les USA à l’époque d’Obama : Alexis Nshimyimana-Neuberg, directeur de Radio Afrika TV (centre) avec l’ambassadeur des États-Unis William Eacho (droite) lors du colloque « Le journalisme consciencieux et responsable » tenu à Vienne du 23 au 24 septembre 2010

D’ailleurs cette relation était entretenue, car à l’occasion du colloque « Verantwortungsbewusster Journalismus » (Le journalisme consciencieux et responsable) que Radio Afrika TV avait organisé en 2010 à l’occasion de la Journée de presse africaine, le discours d’inauguration été tenu par William Eacho, l’ambassadeur des États-Unis à Vienne ! Enfin, quand on sait que le sponsor principal de la campagne électorale d’Obama était le milliardaire George Soros qui, par le biais de sa « Open Society Foundations » (Fondations pour une société ouverte) subventionne surtout les mouvements politiques gauchisants, les associations non-gouvernementales et la société civile européenne, on ne peut ne pas se poser la question si la communauté africaine en Autriche ou, plus précisément, ses dirigeants représentent vraiment les intérêts de leur communauté. Ne sont-ils peut-être quand même pas instrumentalisés de ce côté aussi ? Les indications sont suffisamment claires et leur mis au pas idéologique un fait déjà accompli.

Heureusement, les médias corporatifs sont (politiquement) trop corrects pour y prêter davantage d’attention. Quant à l’opinion publique, elle ne voit pas très bien de quelle façon la diaspora africaine contribue à l’instauration d’une communication intellectuelle avec elle ni ce que la vie commune avec ses membres pourrait lui apporter dans le domaine de l’esprit et de la mutualité. Par contre, la population locale les conçoit plutôt comme un groupe de privilégiés soutenu par certaines forces politiques ou institutions influentes. Elle le considère avec suspicion et préfère éviter tout conflit idéologique avec lui pouvant aboutir à un procès redoutant de s’y voir défavorisé. Ce manque de confiance mutuelle met en danger la réalisation juste de cet objectif auquel les deux groupes affirment aspirer : à l’intégration.

Or, qu’est-ce l’intégration ? S’agit-il d’une assimilation pure et simple de la minorité par la majorité ou bien vice versa ? En effet l’intégration n’est rien d’autre qu’un processus de communication aspirant à l’édification d’un système social plus humain dans l’intérêt de tous. Pour y parvenir, on n’a besoin ni d’ « images », ni de mythes, mais d’un esprit ouvert et critique capable de saisir la réalité dans sa complexité. Malheureusement, on ne comprend pas (ou on ne veut pas comprendre) qu’il est impossible d’établir le moindre dialogue, ni de se comprendre mutuellement si les interlocuteurs sont idéologiquement endoctrinés. Il est de même avec les sociétés qui se ferment à la communication avec le monde extérieur en se protégeant avec des sujets tabous ou le langage politiquement correct. Celles-ci ne seront jamais en état de s’émanciper intellectuellement et finiront par sombrer dans un conformisme idéologique stérile.

Peindre le diable sur le mur

Il est à craindre que la diaspora africaine, du moins en Autriche, est sur le point de subir ce sort. La peur de toute critique à son égard, qu’elle considère comme menace pour son existence, l’a poussé à se refermer sur elle-même. Toute remise en cause des conceptions politiquement correctes dont elle s’est faite champion, est perçue non seulement comme expression d’hostilité anti-communautaire mais aussi comme hérésie. En raison de ce comportement, la majorité de la population se sent épiée, traquée voire même rejetée dans des époques antérieures où toute non-orthodoxie religieuse ou idéologique était poursuivie par le feu et l’épée. Comme au Moyen-Âge ou, plus tard, dans les pays totalitaires on trouve le Diable partout.

Gare au « blackfacing » même si les rôles comme celui d’Othello dans le drame de Shakespeare et l’opéra de Giuseppe Verdi n’ont aucune connotation raciste

Malin, comme il l’est et politiquement incorrect de surcroît, il n’hésite pas à se cacher dans certains mots obsolètes, comme l’est, par exemple celui de « Mohr » ce qui veut dire en vieil allemand « Noir ». Ayant perdu sa signification originelle, nul Autrichien ou Allemand liait la dénomination de la pâtisserie « Mohr im Hemd » (Le Noir en chemise) aux Africains mais l’associait au condiment tout simplement, jusqu’au moment où un des dirigeants de la diaspora africaine l’avait rappelé. Ce même diable a été retrouvé par cette même personne sur les étagères des bibliothèques de certains jardins d’enfants. Là jonchait, oublié et recouvert de poussière un livre et un jeu de cartes intitulés : « Les dix petits Nègres » ! Scandale ! Non seulement ce livre a une connotation raciste mais, encore, elle utilise le fameux mot « N » pour désigner les personnes d’une certaine couleur de peau, devenu tabou depuis quelque temps et qu’il ne faut jamais prononcer. Mais l’insolence du Diable va encore plus loin. Il se moque des gens ayant la peau noire par le « Blackfacing » ! On serait tenté de crier : « Retourne Satan ! » Mais ceci pourrait aussi être considéré comme acte raciste car Satan, selon les croyances populaires européennes est surtout noir. Comment, alors, le combattre et, si possible, le chasser ?

Le recours à la violence ne semble pas en être le meilleur moyen, car plus on l’applique, plus il revient. Parfois sous forme des divinités païennes que l’Église chrétienne avait détrônées et renvoyées sous la terre, dans les ténèbres, parfois sous forme des saints comme Saint-Maurice, parfois même comme la Vierge qui est d’autant plus vénérée qu’elle est noire ! On dirait que le Diable se moque de tout croyant fervent. Mais qu’en est-il si on l’ignorait ? Dans ce cas il y a plus de chances qu’il laisse le monde en paix. D’ailleurs, ceux qui ont acquis des connaissances et savent que toute notion a un certain sens, que le contenue ne s’identifie pas à la forme, mais que la forme n’est qu’une des émanations du contenu, face à eux le Diable n’a pas de chances. En vain de le dessiner toujours à nouveau sur les murs en raison de la propagande politique, de celle du politiquement correct aussi. Dans ce contexte le « blackfacing » ne sera pas un pire pêché que le « whieskinning » des femmes africaines, l’invitation à visiter « la famille royale africaine » au zoo de Vienne sera comprise à juste titre, comme allusion aux fabliaux et non comme insulte aux familles royales africaines existantes. Quant au fameux mot « N » tant honni, on se rappellerait que le célèbre poète Martiniquais Aimé Césaire avait naguère écrit : « Nègre je suis, nègre je resterai » et que le mouvement qu’il avait fondé ensemble avec le futur premier président du Sénégal Léopold Sédar Senghor, est entré dans l’Histoire sous le nom de « Négritude ». Peut-on considérer ces deux grands promoteurs de l’émancipation raciale comme étant des racistes seulement à cause de l’utilisation d’un mot que certains cercles politiques considèrent comme étant un « non-mot » ?

Contrairement aux bonnes âmes bien pensantes actuelles, Aimé Césaire n’a pas eu des préoccupations politiquement correctes et se désignait fièrement comme « nègre ». En même temps. il lançait un avertissement contre le racisme noir.

Victimes de propres clichés

Le nominalisme ne doit aucunement être pris à la légère. C’est ainsi qu’on spolie l’humanité de sa liberté fondamentale : de celle de pouvoir penser librement. En la criminalisant, on détruit aussi le pilier principal de la démocratie et on ouvre largement les portes à l’avènement de nouveaux totalitarismes par le biais d’un djihad intellectuel ayant déjà lieu. Mais quand on veut mobiliser les masses pour une cause quelconque, on commence par manipuler la signification des mots. Ainsi on arrive à chauffer les émotions et à supprimer la raison. Plus on est jeune, plus on se laisse séduire par des présentations noir et blanc. Ce n’est pas un hasard que les mouvements extrémistes, qu’ils soient de gauche ou de de droite, trouvent leurs adhérents surtout dans ces cercles.

Il en est de même avec les « images ». Elles mettent en avant le reflet d’une présentation souhaitée mais dissimulent sciemment la complexité de son sens. Qu’elles soient belles ou laides, qu’elles soient utilisées en faveur de l’embellissement ou de la démonisation de certaines personnes ou sociétés, elles sont toujours incomplètes et, par ce fait, fallacieuses adaptées non aux besoins de l’humanité mais à ceux de la propagande. Or, ces « images » ne conviennent pas à l’établissement de la communication entre la diaspora et la population locale. Ceci d’autant plus qu’elles ne tendent qu’à la représentation positive d’un côté, de celui de la diaspora, et à la désignation de l’autre (de la majorité de la population) de façon négative. Autrement dit, on ne peut s’en servir que pour louer ou clouer au pilori, mais pas pour comprendre les événements et l’action des protagonistes. Par conséquent, si on veut aider l’opinion publique de saisir les problèmes dans leur complexité, le mieux serait de renoncer à la fabrication des « images ». Ainsi on éviterait plus facilement les malentendus. On comprendrait mieux qu’il est vain de condamner une partie prenante et, en même temps, de se présenter comme étant sans faille. Si on parle déjà des torts que les Européens ont fait à l’Afrique pourquoi ne pas évoquer le contraire ? Pourquoi cacher l’existence de la discrimination sociale toujours en vigueur dans les sociétés africaines ? Ne serait-il pas mieux de soulever les drames de l’intimidation des femmes (souvent mises au ban ou assassinées comme sorcières) ou de racisme envers les albinos ou les pygmées à cause de leur couleur de peau, leur taille et leur façon de vivre ? Et que dire des sacrifices humains, certes pratiqués en moindre mesure qu’avant, mais toujours existants ? L’évocation de ses problèmes contribuera certainement mieux à la compréhension de l’Afrique que les « images » qu’on veut faire miroiter et qui ne sont, en fin de compte, que des chimères.

Comment s’en sortir ?

On a beau a critiquer la manière de la présentation de l’Afrique dans les médias occidentaux. Certes, elle est superficielle et incomplète. Mais qu’en est-il de la présentation de l’Europe, de ses États, de ses peuples, de leurs problèmes dans les médias africains ? On en sait trop peu et les recherches sur ce problème sont quasiment inconnues. Les dirigeants de la diaspora africaine, du moins en Autriche, ne l’évoquent jamais. Et, pourtant, une comparaison pourrait s’avérer utile. On pourrait y trouver peut-être des ressemblances et se rendre compte que la cause de l’existence des clichés réside dans le manque de place ou de temps pour la diffusion des analyses approfondies dans les médias. Mais, au moins, on pourrait y réfléchir ensemble comment résoudre ce problème. Ceci serait d’autant plus nécessaire qu’à l’époque actuelle les peuples et les cultures se mêlent de plus en plus et que l’intensité croissante de la communication entre eux crée des conditions pouvant aboutir à la mise en place d’une société plus solidaire et humaine. Toute diaspora (l’africaine incluse) pourrait y contribuer. Ceci passe par la participation de la diaspora dans les activités sociales et culturelles de leur pays d’adoption, mais aussi par l’insertion de ses adhérents dans l’engagement général pour l’amélioration des conditions de vie et de travail. En même temps il serait nécessaire que les membres de la diaspora s’engagent à approfondir les connaissances non seulement du pays d’adoption mais aussi de leur culture d’origine. Ceci faciliterait l’attrait des sympathies de l’opinion publique et l’intérêt de se mieux connaitre mutuellement. À cet effet, il serait aussi avantageux de dynamiser les activités des établissements existants consacrés à l’Afrique. L’établissement d’un centre culturel africain pourrait y jouer un rôle prépondérant. Cette nécessité avait été constatée il y a plus de quinze ans. En 2004, Radio Afrika TV avait tenté de mobiliser les diplomates africains afin qu’ils engagent leurs gouvernements respectifs de réunir des moyens pour la mise en place d’un centre culturel africain à Vienne. Or, il n’en fût rien. Les tentatives d’éveiller l’intérêt des entreprises africaine et des personnalités privées ont dû aussi être abandonnées. Il faudrait attendre une occasion meilleure.

Entretemps, il ne reste que l’espoir d’un engagement d’idéalistes individuels à cet effet. Or, le manque d’investissements est un obstacle sérieux. Or, le développement des médias sociaux offre des nouvelles possibilités qu’il faudrait étudier afin de pouvoir en profiter car ceux-ci peuvent assurer l’échange des idées et des informations sur les sources la littérature sur les sujets précis. Ils peuvent aussi permettre la publication des résultats des analyses de fond et des études scientifiques liés à l’Afrique ainsi que de stimuler la diffusion des idées et des initiatives nouvelles. Mais il ne faut que se garder d’une chose : de la rechute dans le piège des institutions de propagande, des médias, des associations ou des organisations non-gouvernementales appartenant aux partis politique ou aux groupes d’intérêts privés. Certes, la coopération avec elle pourrait faciliter la médiatisation de cette activité ainsi que l’organisation des manifestations ou de tribunes de discussion, mais le risque de la perte de l’intégrité et de l’indépendance pèse. Il est préférable de les sauvegarder et d’éviter ainsi de tomber dans une activité stérile sans lendemain. Ce serait égal à la réhabilitation des « images » au détriment de la réalité, de la perte dans les mirages au lieu de s’affronter à la vérité.

Les Essais
bottom of page