METTRE UN TERME À L‘ANTISÉMITISME
(et à la liberté de l’Opinion ?)
Le spectre
On le croyait mort. Or, on le voit revenir. Oui, c’est lui : l’antisémitisme. Semblable aux vampires des légendes transylvaines, il reprend sa vigueur chaque fois quand l’humanité est secouée par des crises.
Tant mieux si elles sont existentielles ou morales car elles lui offrent le meilleur environnement. Pourtant, combien d’efforts étaient entrepris et combien de moyens investis pour le clouer définitivement au sol ? Des montagnes de livres, un flux intarissable d’articles publiés dans les journaux, des récits de centaines de survivants de l’holocauste, des émissions, des musées, des colloques à ce sujet dont on ne sait plus le nombre soutenus généreusement par des organismes nationaux et internationaux, sans oublier les sanctions juridiques, n’était-ce qu’un écran de fumée ? Même l’enseignement des jeunes dans les écoles ne semble pas avoir produit l’effet escompté. Les faits, d’ailleurs en parlent long. La droite radicale et ultranationaliste est en marche. Dans certains pays de l’Europe centrale elle est même arrivée au pouvoir. Dans d’autres leur croissance est inquiétante. Bien que leurs chefs s’efforcent de calmer les esprits en se démarquant publiquement de l’antisémitisme et en le condamnant, comment leur faire confiance quand on sait quels sont les fondements idéologiques de ces mouvements et quelles traditions sont cultivées dans leur rangs. Il vaut, donc, mieux être méfiant et agir afin de prévenir le pire.
C’était, sans doute, la raison pour laquelle un colloque de haut niveau, réunissant quelques cent cinquante experts venus du monde entier, avait été organisé à Vienne du 18 au 22 février de cette année (2018). Son titre « An End to Antisemitism ! » (Mettre un terme à l’antisémitisme) contenait tout un programme : trouver des moyens efficaces, voire même contraignantes, pour éradiquer ce fléau. Le cadre universitaire et scientifique du colloque ne dissimulait qu’à peine le mobile politique et idéologique de ses organisateurs. En effet, à part de l’Université de Vienne, qui y était inclus en tant que pays hôte, les autres étaient les universités de New York, de Tel Aviv et – le Congrès juif européen, ce dernier faisant partie du très puissant Congrès juif mondial, dont le siège est aux USA. Quelles intérêts allaient orienter les travaux du colloque ne pouvait pas faire de doutes.
Le choix de la capitale autrichienne pour le déroulement des travaux du colloque n’était certainement pas fortuit. En effet, Vienne était, au tournant du siècle (du 19ème au 20ème) le centre de l’éclosion intellectuelle et culturelle juive par excellence, mais aussi le lieu où l’antisémitisme moderne prenait son essor. Mais il faut aussi prendre en considération qu’un pays européen petit mais neutre offre des possibilités idéales d’où des initiatives politiques aux visées internationales peuvent être lancées sans provoquer des complications diplomatiques nationales ou internationales. D’ailleurs quand un colloque est inauguré non dans un établissement scientifique ou universitaire, mais dans la somptueuse salle solennelle de la Mairie de Vienne et devait être saluée par le président de la république autrichienne Alexander van der Bellen en personne, ainsi que par le maire de Vienne Michael Häupl, on ne pourrait douter du caractère véritable de cet événement.
Mais, comme par hasard, ces deux hautes personnalités n’ont pas pris personnellement la parole. Pourtant, comme on peut la constater sur la photo ci-dessous, le président Van der Bellen et son épouse ont été dans la salle, du moins pour le début de l’inauguration.
Il a été présent dans la salle, mais n’a pas pris la parole : le président autrichien Alexander Van der Bellen, quatrième à droite.
Était-ce dû à la maladie, comme l’avait expliqué l’ancien président de la Communauté de culte israélien en Autriche Ariel Muzicant qui présidait à la cérémonie ou bien fallait-il éviter d’autres complications que celles qui concernaient leur santé et qu’aurait pu subir, deux jours plus tard, le chancelier Sebastian Kurz, si lui aussi n’était pas obligé de garder le lit. Ayant décliné l’invitation de prendre part au panel du colloque consacré au « leadership », c’était son représentant, le ministre de la science Heinz Fassmann, qui avait été exposé aux hués d’un groupe de jeunes gens provenant des associations estudiantines juives et sociaux-démocrates portant une banderole sur laquelle était inscrit : « Monsieur Kurz, votre gouvernement n’est pas kosher ! » Allusion claire à la coalition conservatrice-extrême-droite, au pouvoir en Autriche depuis décembre dernier, c’est-à-dire 2017.
La banderole des étudiants autrichiens pro-sociaux-démocrate et juif déployée lors du colloque « An End to Antisemitism » pour protester contre le gouvernement conservateur-droite populiste du chancelier Sebastian Kurz.
Encore que récemment chez ces derniers un bouquin contenant des chants antisémites avait été découvert… Toutefois, le président Van der Bellen a envoyé au colloque un message de bons vœux précisant que l’antisémitisme reste un défi pour l’Autriche car un nouvel Auschwitz est toujours possible. De plus, il a souligné que toute critique d’Israël sert de plateforme pour des activités antijuives. Ainsi, il indiquait clairement que l’Autriche soutient de fait l’attitude du gouvernement israélien et des organisations juives internationales qui considèrent qu critiquer Israël équivaut à la négation de son droit à l’existence et que l’antisionisme est égal à l’antisémitisme. Mais cette affirmation était atténuée par l’appel du président autrichien au respect des droits de toutes les minorités et, par le fait, que les médias autrichiens gardaient sur le déroulement de ce colloque un mutisme quasi unanime. Ainsi l’écho de l’avertissement du président Van der Bellen que la leçon à tirer de l’holocauste est la reconnaissance inconditionnelle des droits de l’Homme et de la dignité humaine comme base fondamentale de la société, et de celui du pape François contre l’indifférence envers son prochain (sans préciser nommément des exemples) qu’il faudrait, selon lui, combattre ensemble ne pouvait pas toucher le grand public.
Les instructions
Comme le président autrichien n’était pas venu à l’inauguration du colloque et qu’on ne pouvait pas attendre que le Pape se déplace pour assister à cet événement, la plus haute personnalité politique à saluer personnellement les organisateurs et les participants était l’ambassadrice d’Israël à Vienne Talya Lador-Frescher. Était-ce, peut-être la raison que la parole lui était donnée avant la lecture des messages du président Van der Bellen et du Pape ? Quoi qu’il en soit, son adresse recevait ainsi plus de poids. Sa déclaration que dénier au Juifs le droit d’avoir leur propre État revient à rien moins qu’au racisme pouvait être interprétée comme instruction provenant « d’en haut » afin que le colloque puisse s’y orienter et réaliser les résultats souhaités. On ne pouvait, d’ailleurs constater aucune dissonance par rapport de ce mot d’ordre dans les exposés d’autres orateurs de marque que ce soit le président du Congrès juif européen Moshe Kantor, ou l’ancien président de la Communauté israélite de Vienne Ariel Muzicant ou bien l’orateur principal Bernard-Henri Lévy que Dina Porat, de l’université de Tel Aviv avait présenté comme « le plus grand philosophe français de notre temps ».
Le philosophe français Bernard-Henri Lévy lors de l’inauguration du colloque « An End to Antisemitism ! »
Bien que la cérémonie inaugurale du colloque n’ait pas tendu à Bernard-Henri Lévy l’occasion de confirmer ce compliment, il a du moins manifesté une fois de plus son rayonnement médiatique. On l’entendait soutenir lui-aussi la thèse que l’antisionisme équivaut à l’antisémitisme, mais il a donné plus de précisions affirmant que l’antisémitisme réside non seulement dans l’antisionisme, mais encore dans la négation de l’holocauste et dans la considération que le nombre des victimes de la shoah soit exagéré. Il serait, donc, un devoir, aussi pour la communauté académique mondiale, de désigner clairement ce problème, de le démolir avec des arguments et contre-attaquer. Toutefois, Bernard-Henri Lévy ne se faisait pas des illusions. Selon lui, l’antisémitisme ne pourra jamais être éradiqué, mais au mieux marginalisé. Or, étant donné que l’antisémitisme n’est plus seulement lié à l’extrême-droite mais s’est transformé en une véritable menace générale, Bernard- Henri Lévy recommande de le combattre systématiquement, mais pas-à-pas.
Un bouc émissaire utile
Des mots, on était passé… aux mots. Quatre jours durant les nombreux participants débattaient au sein de seize panels thématiques. On examinait l’histoire de l’antisémitisme depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours, on se penchait sur la façon comment ce problème est perçu par la chrétienté et l’Islam et quel pourrait être l’apport de la psychologie, de la pédagogie, de la sociologie et des médias en faveur de son éradication. Mais comme le colloque était fortement politisé et reposait sur un parti pris d’avance il lui était difficile d’élaborer une approche critique indépendante pouvant questionner l’effet des positions officielles sur cette question ou les remettre en cause. Apparemment, on préférait ne pas aller au-delà d’une présentation manichéenne le problème du rebondissement de l’antisémitisme en Europe. Ainsi, en dépit du fait que les promoteurs de ce phénomène sont issus plutôt du côté islamiste dont l’influence en Europe était montée en flèche en raison de l’immigration massive en provenance des pays du Proche et du Moyen-Orient. Quant à l’extrême-droite est restée, comme d’habitude, désignée comme la principale source du mal. Mais si celle-ci était naguère orientée exclusivement contre les Juifs, elle a désormais changé de cible. Elle a mis la sourdine sur son antisémitisme primaire et s’acharne avant tout contre les musulmans. La crainte de perdre l’identité nationale et culturelle devant le flux islamiste pousse l’extrême-droite à chercher même la coopération avec les Israéliens. Ceci, ainsi que le souci de s’emparer du pouvoir et d’y rester la pousse à se démarquer, du moins officiellement, de la nostalgie du nazisme et, par conséquent, de l’antisémitisme.
Heinz-Christian Strache, chef du Parti libertaire autrichien (FPÖ) d’extrême-droite, déposant une gerbe à Yad Vashem (Institut international pour la mémoire de la shoa) lors de sa visite privée à Jérusalem en 2016. Strache est, depuis 2017, vice-chancelier.
À quel point une attitude pareille est sincère, c’est une autre question. Mais quand il s’agit de gagner les voix des électeurs et d’être présentable auprès de la « communauté internationale », on n’hésite pas ni à changer de veste ni de se séparer de ceux qui refusent de le faire. Or, tous les efforts entrepris pour se faire accepter, ne semblent pas avoir apporté à l’extrême-droite le résultat souhaité. Bien au contraire, elle reste toujours suspecte. Ses origines idéologiques, sa tradition politique et son nationalisme poussant jusqu’à la xénophobie réveillent de mauvais souvenirs que l’État d’Israël ainsi que les lobbies juifs, surtout influents aux États-Unis, ne cessent pas de pointer du doigt. Ceci d’autant plus parce que les mouvements extrémistes radicaux d’Europe ne sont non seulement considérés comme étant proches du nazisme mais aussi de la Russie de Poutine.
Bien que les médias corporatifs évitent d’insister sur ce détail, il est difficile de croire que ce penchement de l’extrême droite est méconnu dans le cercles politiques occidentaux ou (et) au sein de la communauté juive. S’il en est ainsi, il serait logique de conclure que leur hostilité envers les partis populistes n’est pas seulement idéologique, ni sentimentale, mais causée avant tout par la crainte de l’agissement d’une cinquième colonne russe qui pourrait ôter l’Union Européenne de l’influence américaine au profit de Moscou. Vu sous cet angle, ni l’Occident, ni le lobby juif américain n’auraient un intérêt sincère de mettre fin à l’antisémitisme. Bien au contraire, en l’entretenant, ils ont à la disposition un bouc émissaire utile qu’ils peuvent manier à volonté pour contrecarrer les ambitions de leur véritable adversaire géopolitique.
Le facteur russe
Le colloque de Vienne, avait-il eu des visées semblables ? À en juger par la façon dont il avait été organisé, ou à la base des organisations et institutions qui l’ont soutenu et suggéré les objectifs à réaliser, on aurait du mal d’en tirer une conclusion différente. Or, il faudrait quand même prêter attention au fait que l’organisateur principal était le Congrès européen juif de Moshe Kantor. Cette organisation fondée seulement en 2007 n’avait été admise au Congrès mondial juif qu’après beaucoup d’hésitation. Il parait que Congrès mondial juif ne voyait pas de très bon œil la mise en place d’une organisation juive européenne dont le fondateur est un oligarque richissime juif de Russie et proche de Poutine du nom de… Viatcheslav Moshe Kantor. Certes, son zèle sioniste qu’il a manifesté en abandonnant l’utilisation officielle de son prénom russe et, encore plus, en organisant le colloque « Mettre un terme à l’antisémitisme ! » pourrait-être interprété comme l’expression d’un sentiment émotionnel d’appartenance à une collectivité religieuse et ethnique. Mais, d’autre part, il ne faudrait pas exclure que son engagement aurait pu avoir aussi le caractère d’une mission visant notamment de permettre à Poutine de se rapprocher des grands lobbies juifs.
Le président russe Vladimir Poutine reçoit une délégation du Congrès juif européen. À sa gauche avec le mouchoir blanc dans la pochette de sa veste, le président du Congrès juif européen (Viatchéslav) Moshe Kantor
En effet, à l’époque où la Russie se trouve touchée par les sanctions internationales, ceci ne pourrait que lui être utile. En outre, ça lui faciliterait de redorer son blason terni, entre autres, aussi par le soutien aux partis de l’extrême-droite en Europe. Prenant ces faits en considération, on ne pourrait que conclure que Poutine pourrait être en train de donner une nouvelle preuve de la subtilité de sa politique internationale dans laquelle, comme dans le judo, il est passé maître.
Les tendances totalitaires
Quant à l’antisémitisme, il semble que les deux superpuissances ont plutôt intérêt de l’entretenir afin d’avoir un enjeu à combattre pour réaliser des intérêts géopolitiques que de l’éradiquer définitivement. S’il en était autrement, on ne se bornerait pas à le faire qu’administrativement. Mais en renforçant la législation sanctionnant la mise en question certains principes politiques ou idéologiques, voire même le droit à l’existence d’un État précis, ne se fabrique-t-on pas des outils pour limiter, voire même supprimer la liberté de la pensée et de l’expression en général ? On pourrait y songer, car la lutte contre l’antisémitisme ainsi conçue pourrait, en fin de compte, servir de modèle afin de pouvoir l’appliquer dans d’autres domaines. L’esprit démocratique tolérant, accepte l’opinion de l’autre quelle qu’elle soit et réagit non avec des punitions mais avec des contre-arguments. L’esprit totalitaire, intolérant, la refuse, la sanctionne et la transforme en délit d’opinion. Ce qui lui importe c’est de former de bonnes âmes dociles et bien pensantes qui accepteront sans broncher qu’on impose des limites à la liberté de penser, de s’exprimer ou de soumettre à la critique des conceptions imposées par des cercles en position de force. Aujourd’hui on exige l’interdiction de critiquer l’existence de l’État d’Israël et du sionisme, demain ce sera la critique du communautarisme, puis du gouvernement qui le soutient, des partis politiques, de la propagande officielle, des personnalités, du système existant. Or, l’humanité n’évolue pas d’elle-même dans cette direction. Elle y est poussée par des élites soucieuses de sauvegarder le système existant qui leur permet de se cramponner au pouvoir et gagner de l’argent. D’ailleurs si des scientifiques exigent que l’idéologie officielle de l’État d’Israël et de la communauté juive internationale soit imposée à l’échelle mondiale en commençant par l’éducation scolaire jusqu’aux médias, en multipliant les lieux de mémoire, en imposant des rites de purification de génération en génération pour le crime de l’holocauste commis par leurs ancêtres à une époque où ils n’étaient même pas nés et dont il est absurde de rejaillir la responsabilité a-t-on affaire à une activité scientifique dans le plein sens du terme ou se trouve-t-on en présence d’un militantisme politique tout autre que démocratique qui utilise la tragédie de l’holocauste comme moyen de pression ? Probablement pas seulement dans l’intérêt de l’État d’Israël et de la communauté juive internationale, mais aussi des deux superpuissances et de la sauvegarde du système néolibéral mondialiste dans lequel elles sont ancrées.
La saturation
Le colloque « Mettre un terme à l’antisémitisme ! » de Vienne avait eu une bonne occasion de se pencher sur ce problème. D’ailleurs, s’il voulait vraiment trouver des mesures efficaces contre ce fléau qui resurgit à nouveau, il aurait pu se pencher aussi sur les raisons de la réaction de l’opinion publique contre les initiatives d’éradiquer l’antisémitisme qui se manifeste dans la plupart des cas par l’indifférence et, dans une mesure mineure, par la provocation. Ceci leur aurait certainement permis d’analyser, par exemple, les raisons de la saturation que peut créer l’évocation constante d’une tragédie collective vécue et de l’érection de l’holocauste au niveau d’un culte. Ils auraient, peut-être pu se rendre compte que si un sujet quelconque n’est pas traité comme information qui pourrait inspirer la réflexion sur la confrontation avec des phénomènes semblables de l’actualité, cette activité pourrait être ressentie comme un vulgaire lavage de cerveau dogmatique. Par conséquent un réflexe de rejet ne tardera pas à se produire. Certains participants au colloque de Vienne qui, comme Natan Sharansky, l’actuel directeur de l’agence juive pour Israël, avaient passé leur jeunesse en Union soviétique ou fait l’expérience de dissident et du goulag, auraient pu leur raconter long sur ce phénomène, de la résistance passive à l’idéologie officielle, au régime et à la propagande de leur pays d’origine. Là aussi les lieux de mémoire savaient être souillés, des anecdotes politiquement incorrectes, comme on le dirait aujourd’hui, racontés au risque de se voir jeté en prison, la religion pratiquée en cachette, des samizdats lus et copiées en secret et l’Occident « bourgeois » considéré comme paradis sur terre. On ne pourrait pas attribuer ces attitudes à la seule influence familiale ou de l’Étranger, mais aussi par la saturation psychique. L’engagement contre l’antisémitisme, ressenti comme acte de propagande officielle, est sur le point de produire le même effet. Chez les jeunes tout particulièrement. Si on les confronte prématurément avec des témoignages de l’horreur des camps de concentrations nazies, qu’il s’agit des récits des survivants ou des photos, ceci risque ou bien de provoquer l’incrédulité ou bien un traumatisme allant jusqu’au rejet de tout rapport avec cette partie du passé historique.
Que faire ?
Or on aurait tort de reprocher la lassitude à la jeune génération. Bien au contraire, elle veut apprendre, mais elle veut surtout comprendre. Certes elle n’est pas prête de rester fixée sur les époques révolues ni se concentrer sur des événements qu’elle ressent, non sans raison, comme étant morbides. Par contre, elle souhaite s’engager dans la solution des problèmes d’actualité, de découvrir des analogies avec le passé et de chercher la voie pour les surmonter. À cet effet, elle a besoin de communiquer avec leurs semblables issus d’autres régions ou communautés. Dans ce sens, le réveil de l’intérêt pour les similitudes entre les différents groupes, leur mutualité et échanges d’influence élargit les horizons, enrichit les connaissances et les esprits, contribue à la découverte des intérêts communs et pour l’engagement contre les forces ou idées qui les entravent. La lutte contre l’antisémitisme aurait pu y profiter davantage. Mais tant qu’elle restera confinée dans le domaine de l’endoctrinement politique et des sanctions administratives contre le délit d’opinion, l’effet sera le même que de combattre les maux du néolibéralisme par davantage de libéralisation et de privatisations. On sait, d’ailleurs ce que représentait la cure de drainage du sang des malades dans les siècles passés et si le combat contre l’antisémitisme s’effectuera par l’application de thérapies pareilles, il est à craindre que l’effet pourrait être contraire au celui que l’on souhait, du moins officiellement. Or, il pourrait être autrement. On pourrait voir dans l’holocauste un précédent qui se reproduit actuellement à l’échelle de la planète. L’existence d’un système global, qui produit des guerres interminables, qui chasse des populations entières de leurs régions d’origine, qui enferme les survivants réfugiés dans des camps non seulement pour des années mais pour plusieurs générations, qui répand la pauvreté et la famine au point que, comme l’affirme Jean Ziegler, chaque jour 100.000 personnes meurent de faim et chaque sept secondes un enfant s’éteint pour la même raison, n’est-ce pas une réplique de l’holocauste sous une autre forme, mais au niveau mondial ?
L’holocauste mondialiste sous le ciel ouvert : chaque sept secondes un enfant meurt de faim.
Si oui – et la réponse ne peut être qu’affirmative – c’est contre cet holocauste qu’il faudrait s’engager afin de le combattre et de l’éradiquer. En effet, toute action ayant un but commun pour améliorer le sort de l’humanité efface les différences d’origine et brise tout carcan communautaire. Dans ce cas l’antisémitisme, tel qu’on le connait, disparaitrait de lui-même comme un phénomène anachronique qui ne pourrait avoir que de place sur le fumier de l’histoire. Mais, on n’est pas encore arrivé si loin. Il faut, comme le recommande Bernard-Henri Lévy, progresser à petit pas. Mais en prenant garde de ne pas prendre la mauvaise direction, de faire l’affaire des élites égoïstes nationales ou internationales et de finir dans l’impasse.